Les épisodes caniculaires répétés font émerger un nouveau critère d’habitabilité : la capacité des logements à rester vivables l’été. Les « passoires » hivernales deviennent des « logements bouilloires » en période chaude ; d’après le syndicat industriel Ignes, ce phénomène toucherait près d’un tiers du parc, avec des conséquences sanitaires et sociales directes pour les plus vulnérables. Sur le terrain, le réseau des ADIL (présent dans 90 départements) observe l’ampleur du sujet : environ 120 000 des 850 000 consultations annuelles portent déjà sur la rénovation énergétique. Une enquête ANIL menée en 2023 auprès de 3 000 ménages pointe les mêmes freins : financement, manque de lisibilité et besoin d’accompagnement. Or, des décisions publiques en « stop and go » — comme la suspension temporaire de MaPrimeRénov’ — déstabilisent les projets, même si une reprise à la mi-septembre et un complément via les CEE ont été annoncés. À cela s’ajoute la réduction de 50 % en 2025 du Fonds vert pour les collectivités, alors qu’elles sont des acteurs clés de la rénovation. D’où l’appel à un plan national « puissant, stable et lisible » sur plusieurs années.
Dans les zones où la demande locative est déjà supérieure à l’offre, la surchauffe estivale agit comme un réducteur silencieux du parc : un logement qui grimpe à des températures intenables devient difficile à occuper ou n’est vivable qu’au prix d’un recours massif à la climatisation — avec un coût et une inégalité supplémentaires. À l’échelle d’un quartier, multiplier ces situations, c’est mécaniquement diminuer la part de logements réellement habitables pendant plusieurs semaines par an. Autrement dit, traiter la surchauffe n’est pas seulement une réponse climatique : c’est une condition pour maintenir l’offre utile dans les territoires tendus.
Au niveau réglementaire, une initiative transpartisane propose de faire entrer la surchauffe dans la définition de la précarité énergétique, de fixer un calendrier de traitement des biens mis en location à l’horizon 2030, et d’assouplir certaines procédures (copropriétés, avis des ABF) pour faciliter la pose de protections solaires. Ces pistes visent à lever des verrous opérationnels tout en donnant de la visibilité aux ménages et aux professionnels. Pour les diagnostiqueurs, l’enjeu est immédiat : objectiver la vulnérabilité à la chaleur, hiérarchiser les travaux à plus fort effet (toitures/combles, protections solaires, ventilation adaptée, inertie), et accompagner les propriétaires dans un cadre d’aides clarifié. Une politique stable et pluriannuelle rend ces trajectoires crédibles ; sans elle, des logements basculent chaque été du côté de l’inhabitabilité. Rénover contre la surchauffe, c’est simultanément protéger les occupants, contenir les dépenses d’énergie… et préserver l’offre locative là où elle manque déjà.